Metamag : Les chantiers de la Présidentielle [3] : la fermeture de Fessenheim et la transition énergétique-la centrale jamais fermée car EDF n’a pas le premier euro pour payer,pertsonne ne sait comment faire et Lévy fait le gros dos en attendant le prochain gouvernement

 

Les chantiers de la Présidentielle [3] : la fermeture de Fessenheim et la transition énergétique

Eolien Nucleaire

Les chantiers de la Présidentielle [3] : la fermeture de Fessenheim et la transition énergétique

Michel Lhomme, philosophe, politologue ♦

L’idéologie des khmers verts en est donc venu à pratiquer le démantèlement énergétique, en plein hiver et a imposer par décret la fermeture de la centrale de Fessenheim en Alsace. Ne soyons pas dupe, ce décret est électoraliste et aura peu de chances d’être appliqué.

En fait, Fessenheim est gênant en campagne électorale car la centrale figurait dans le catalogue des promesses que la gauche et que François Hollande n’auront pas tenues. La centrale alsacienne reste ainsi comme un symbole, non seulement d’un manquement à la parole donnée, mais surtout pour la gauche d’un renoncement politique à engager la France vers un modèle énergétique dont l’atome ne serait plus le centre de gravité.

L’accord de gouvernement conclu, en novembre 2011, entre le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts prévoyait en effet « la fermeture progressive de 24 réacteurs, en commençant par l’arrêt immédiat de Fessenheim ». Dans ses « 60 engagements pour la France », François Hollande avait repris la promesse sans préciser l’échéance : « J’engagerai la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025 (…). Dans ce contexte, je fermerai la centrale de Fessenheim. » Une fois président, il avait fixé pour terme « la fin de l’année 2016 ». Un calendrier dont il n’a ensuite plus dévié. Au crépuscule de son mandat, force est de constater que la centrale alsacienne a résisté aux velléités présidentielles et que début 2017, elle est toujours en activité. Quoi qu’il arrive désormais, elle est d’ailleurs assurée d’y rester jusqu’à la fin de l’année 2018, lorsque sera mis en service l’EPR de Flamanville (Manche), qui prendra théoriquement son relais sur le réseau. Voire jusqu’en 2019 ou 2020, si le nouveau réacteur de Flamanville continue de prendre du retard à l’allumage.

Fin janvier, le conseil d’administration d’EDF a pourtant donner son accord à un protocole d’indemnisation, par l’État, du manque à gagner qu’entraînerait l’abandon des deux réacteurs du Haut-Rhin. Mais le sort de Fessenheim n’est pas scellé pour autant. Sa mise à la retraite nécessite que le gouvernement prenne, à la demande de l’entreprise publique, un décret abrogeant l’autorisation de son exploitation. Or, il n’est nullement acquis que ce décret sera signé d’ici la fin du quinquennat et de toutes façons, les cartes seront forcément rebattues, sous le nouveau gouvernement et la nouvelle majorité parlementaire si elle arrive à se constituer, quelle qu’elle soit. Preuve des atermoiements contradictoires de nos décideurs sur le nucléaire, un arrêté publié début février au Journal officiel autorise EDF à rouvrir la centrale de Paluel en Seine-Maritime dont le réacteur n°2 est pourtant à l’arrêt depuis mai 2015. EDF n’envisageait pas pourtant de redémarrer la centrale avant la fin novembre 2017 mais  la loi sur la transition énergétique votée en août 2015 prévoyait qu’un réacteur à l’arrêt depuis plus de deux ans devra être considéré comme en arrêt « définitif ». L’arrêté au journal officiel proroge ainsi judicieusement de « deux années » la durée d’arrêt de fonctionnement de Paluel 2 pour éviter son arrêt définitif ! De fait, pour valider l’accord sur l’indemnisation à laquelle aura droit EDF pour la fermeture anticipée de Fessenheim, l’électricien avait obtenu l’assurance du gouvernement qu’il allait mettre en place à Fessenheim aussi cette prorogation.

La décision de fermeture programmée de Fessenheim est politique

Si elle était appliquée, son coût serait exorbitant et d’autant plus absurde eu égard à son objectif, celui d’obtenir le soutien des écologistes. En cas de fermeture, la France devrait en effet payer des indemnités qui se chiffrent à plusieurs milliards d’euros aux compagnies allemandes et suisses qui ont des contrats à long terme de fourniture d’électricité avec la centrale. Or, Fessenheim n’a jamais tué personne et n’en tuera probablement pas alors que le charbon tue annuellement 25 000 personnes en Europe ( Sources : OMS et Greenpeace), soit 6 fois plus que Tchernobyl ( OMS). De plus, le charbon contient environ 5 ppm d’uranium et de thorium et disperse dans la nature des centaines de tonnes de produit hautement radioactifs.

Les partisans du démantèlement des centrales nucléaires françaises récusent souvent l’argument économique de l’emploi des pro-nucléaires en soulignant que le démantèlement conserve les emplois existants. Ce n’est pas exact.. Le démantèlement apporte certes du travail mais sûrement pas autant qu’en exploitation et ce ne sont pas des emplois hautement qualifiés. D’ailleurs Fessenheim est la doyenne des centrales françaises mais pas la plus vieille centrale de Navarre qui est celle de Brennilis en Bretagne. Le démantèlement de Brennilis a démarré il y a plus de 30 ans, il n’est pas encore terminé et il n’y a pas foule dans les Monts d’Arrée. Creys-Malville a aussi été fermé et toute la région a perdu la quasi totalité des emplois d’hier. Il faut donc torpiller cette allégation répétée à l’envie à savoir que la transition énergétique crée plus d’emplois que le nucléaire et pour moins cher. En fait, le démantèlement ne concerne que quelques travailleurs et ce seront forcément pour une question de coûts et de marché du travail des ouvriers détachés des pays de l’Est, des ouvriers sous contrat et payés selon les normes de travail de leur pays puisque c’est exactement ce qui s’était passé pour Superphénix. La mise à l’arrêt de Superphénix a aussi marqué la mort de toute une région. Elle a entraîné la fermeture de quasiment tous les commerces et les écoles du coin. Seuls 10 % des destructions d’emplois liés à la fermeture d’une centrale sont en réalité compensés par les activités de déconstruction des installations nucléaires.

Or, dans son rapport annuel, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a évalué la centrale alsacienne de Fessenheim, comme étant l’une des plus sûres du parc français, reconnaissant ainsi la pertinence de la décision d’investir 650 millions d’euros pour sa rénovation. Avec ces 650 millions d’euros déjà investis (dont 280 alloués à la sûreté), Fessenheim est en effet la centrale la plus rénovée de France. La fermeture anticipée de Fessenheim aurait donc un coût financier (pouvant aller jusqu’à 5 milliards d’euros) mais également un coût social puisque la centrale alsacienne emploie 2 000 personnes et impacte indirectement 5 000 personnes.

Les députés Hervé Mariton (UMP, Drôme) et Marc Goua (PS, Maine-et-Loire) avaient d’ailleurs été mandatés par la commission des finances de l’Assemblée nationale pour évaluer le coût de la fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Fessenheim et ils ont rendu public leur rapport en ce début d’année. Les chiffres sont clairs. Concernant la transition énergétique souhaitée par Ségolène Royal, la diminution de la part du nucléaire à 50 % entraînerait la fermeture d’une vingtaine de réacteurs nucléaires. La fermeture d’une centrale comme celle de Fessenheim coûterait jusqu’à 5 milliards d’euros. Et enfin, les deux éléments réunis (transition énergétique plus fermetures de centrales) pourrait conduire à un coût total de fermeture d’environ 40 milliards d’euros. Les deux parlementaires ont donc aussi préconiser de reculer la date de fermeture de Fessenheim (initialement fixée à 2016) et de relâcher la contrainte de 50 % d’ici 2025. La diminution du nucléaire en France entraînerait la fermeture de 22 réacteurs de 900 MW (en plus de la fermeture de Fessenheim) après 40 ans d’exploitation (3 en 2018, 6 en 2019, 8 en 2020 et 5 en 2022), ce qui serait stupide vu qu’une centrale peut fonctionner pratiquement sans problème quarante ans de plus.

En estimant le coût moyen de fermeture d’un réacteur nucléaire à 2 milliards d’euros, Marc Goua et Hervé Mariton ont estimé à 40 milliards d’euros la fermeture d’une vingtaine de réacteurs nucléaires. Or, ces coûts viendraient s’additionner au montant total de l’enveloppe allouée à la transition énergétique laquelle lourde et chargée, très dispendieuse comprend le développement des énergies renouvelables (électriques et thermiques, la construction d’éoliennes), l’adaptation du réseau électrique ou encore le renforcement de l’efficacité énergétique.

Le coût de la transition énergétique telle qu’elle est aujourd’hui décrite serait donc abyssal tandis que l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables est loin d’être optimal.

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